Parfois, quand j’aperçois mon flamboyant visage,
Lorsqu’il vient d’échapper à ta bouche et tes doigts,
Je ne reconnais pas cette exultante image,
Et je contemple avec un déférent effroi
Cette beauté que je te dois !
Comme de bleus raisins mes noirs cheveux oscillent,
Ma joue est écarlate et mon oeil qui jubile
mêle à sa calme joie un triomphant maintien;
Je n’ai vu ce regard florissant et païen
Que chez les chèvres de Sicile !
Moment fier et sacré où, sevré de désir,
Mon coeur méditatif dans l’espace contemple
La seule vérité, dont nous sommes le temple;
Car que peut-il rester dans le inonde à saisir
Pour ceux qui, possédant leur univers ensemble,
Ont mis l’honneur dans le plaisir ?…
Poème de l’amour
Poèmes de Anna de Brancovan, comtesse de Noailles